Le « José Bové de la mer » au lycée

Gwen Pennarun, ligneur de bar, membre de trois associations de promotion de la pêche durable et adjoint au maire de Combrit pour les affaires portuaires, est intervenu auprès des élèves de la filière ES. Au programme : la pêche propre, le lobbying, l’engagement.

Promouvoir la petite pêche

Sensibiliser les élèves aux enjeux de la pêche durable, tel était le premier objectif de son intervention.

Commencée par une présentation d’un métier entre tradition et modernité au sein de bateaux de plus en plus bardés d’électronique, celle-ci s’est poursuivie par la démonstration des qualités de la petite pêche : très sélective, permettant la capture de poissons de très grande qualité et très respectueuse de l’environnement, « elle préserve les fonds marins, n’abandonne pas de matériel et n’émet aucune pollution », a précisé Gwen Pennarun.

Gwen Pennarun sur son bateau

Cet exemple concret de la pêche au bar de ligne permettait aux élèves d’établir des parallèles avec les connaissances acquises dans les cours de SES (tragédie des biens communs, création de niches, fixation des prix…).

Se regrouper pour mieux défendre les intérêts de la petite pêche

Pour peser face aux gros armateurs ainsi que face à la pêche industrielle et se faire entendre, les petits pêcheurs, comme Gwen Pennarun, ont choisi de s’associer, non seulement au niveau local mais aussi à l’échelle européenne. Le pêcheur de Sainte-Marine s’est d’abord engagé dans l’Association des ligneurs de la pointe de Bretagne, avant de participer à la création, en 2012, de la Plateforme de la Petite Pêche Artisanale Française.

« Dans la pêche, tout se décide à Bruxelles »

Mais comme les décisions prises par les autorités françaises peuvent être remises en cause par la Commission européenne, il est essentiel d’être aussi basé à Bruxelles. Des pêcheurs de 6 pays se sont donc associés pour fonder LIFE (Low Impact Fishers of Europe).

LIFE : une association européenne

La France y est représentée par Gwen Pennarun pour la zone Atlantique, tandis qu’un de ses homologues se charge de la partie méditerranéenne de l’hexagone. Ils sont accompagnés de représentants des Pays-Bas, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Espagne et de l’Italie et seront rejoints bientôt par des pêcheurs portugais, polonais ou croates. « LIFE dispose désormais d’un bureau à 10 minutes à pied de la Commission européenne, si bien que ses revendications sont bien mieux prises en compte que si elles étaient formulées du fin fond de la Bretagne » n’a pas manqué de souligner le pêcheur. Une illustration très claire et très concrète pour les élèves de ce qu’est le lobbying et de l’importance de faire partie d’un réseau. « Il est important d’être présent à Bruxelles et de connaître les bonnes personnes », selon Gwen Pennarun qui a ajouté, « la pêche, ce n’est que du réseau ».

Le Belouga : le ligneur de Gwen Pennarun
Son intervention s’est achevée par une séquence de questions/réponses

Tom (élève de TES2) : Êtes-vous en conflit avec d’autres types de pêcheurs ?

G.P. : d’une manière générale, je n’ai rien contre le chalut (sauf le pélagique !). En revanche, il peut exister des conflits plus localisés liés aux pratiques de certaines personnes. Mais avec les 3/4 de la flottille, il n’y a aucun souci.

Kenza : Où vendez-vous votre poisson ? Localement ? En supermarché ? A l’étranger ?

G.P. : Je vends à la criée du Guilvinec. Certains collègues approvisionnent directement les grands restaurants parisiens. Mais livrer à Paris, en Suisse, en Allemagne, est très compliqué à gérer.

Kenza : Par qui, comment sont payés vos représentants ?

GP : Nos avons mis en place un système d’étiquetage pour permettre aux consommateurs d’identifier la pêche durable. Cela revient à 2 ou 3 centimes par poisson mais c’est revendu 5 centimes. Cette différence permet d’alimenter un fonds pour payer les personnels et financer les déplacements. En outre, les pêcheurs cotisent pour leur adhésion à l’association et nous bénéficions de fonds européens. Parfois aussi, nous recevons des dons. Une famille anglaise très riche accorde 300 000 € pour des projets qu’elle sélectionne en fonction de leur intérêt pour la protection de la planète. Deux de nos projets ont ainsi été retenus.

Tom  : Seriez-vous favorable à ce que la France sorte de l’Union européenne ?

G.P. : Au niveau de la pêche, il vaut mieux rester uni. Le stock n’a pas de nationalité. Pour gérer des stocks sauvages, il vaut mieux des accords internationaux. L’Europe est une solution pour gérer les conflits éventuels en la matière.

Léa : Comment gérez-vous votre temps entre la pêche et vos engagements associatifs ? Comment gagnez-vous votre vie ?

G.P.  : Ce n’est pas toujours facile, surtout pour les jeunes qui manquent un peu d’expérience. Et l’engagement ne rattrape jamais l’argent perdu.

Tom  : Seriez-vous favorable à une règlementation de la pêche plaisance ?

G.P.  : En France, ce n’est pas la règlementation qui manque mais les moyens de contrôle. Dix ans après leur adoption, certaines lois ne sont toujours pas appliquées. Et pourtant des fonds européens sont prévus pour effectuer les contrôles.

Pambou  : Comment peut-on s’entendre en Méditerranée avec des pays du Sud et de l’Est qui ont des intérêts divergents de ceux de l’Europe ?

G.P. : C’est vraiment très compliqué, encore plus qu’ici, où ce n’est déjà pas simple. Nous avons eu une réunion à Madrid avec des pays d’Afrique du Nord, une autre avant, en Sicile, mais ça part dans tous les sens. Si l’on ne prend que l’exemple de la Grèce, il y a tellement d’îles, tellement de techniques différentes que ce n’est vraiment pas facile de s’accorder.

Ninon : Vous est-il arrivé de vous sentir découragé ?

G.P. : Très souvent. Heureusement que l’on est en groupe. Il y a toujours quelqu’un pour remonter le moral des autres. On peut compter les uns sur les autres.

Léa : Les « gros » n’essaient-ils pas de vous « mettre des bâtons dans les roues » ?

G.P. : Si, très souvent ! Sur la question des quotas, quand vous n’êtes pas présents, les gros armements récupèrent tous les quotas sans tenir compte des petits pêcheurs. Mais grâce à la Nouvelle PCP [Politique commune des pêches] de l’Union européenne, la petite pêche est mieux reconnue. L’article 17 prévoit en effet de prendre en compte l’impact socio-économique et environnemental de notre activité pour pouvoir bénéficier de fonds européens. La petite pêche remplit donc parfaitement le cahier des charges.

Christophe : N’avez-vous pas été l’objet de tentatives de récupération politique, notamment par les hommes de réseaux dont vous nous parliez.

G.P. : Je me suis engagé sur une liste apolitique pour les élections municipales à Combrit. Mais j’ai été approché pour les régionales par une des listes. Comme je n’ai pas le temps, j’ai décliné la proposition. Quoi qu’il en soit, il faudrait que cela corresponde à mes idées.

Cette intervention s’inscrit dans le cadre d’un projet mené au lycée dont le temps fort aura lieu du 29 mars au 1er avril, sous la forme de « Journées de la mer & du littoral ».

Gwen Pennarun au lycée Laennec