Des Résistants au lycée : trois grands passeurs de mémoire

Mardi 21 janvier 2014, Alain Bodivit, le Commandant Lazennec et André Robeson ont rencontré les classes de 1re (L, ES, S, STMG) et de terminale littéraire pour leur faire part de leur expérience de Résistants durant la Seconde Guerre mondiale.

Camille Coïc, une élève de 1re L, dans son message introductif emprunté à Daniel Trellu, fondateur du maquis de Saint-Goazec-Spézet, donne d’emblée le ton de la cérémonie. Il s’agit avant tout, pour la jeune génération d’honorer, les anciens qui ont combattu pour la Liberté et de prendre conscience de ce qu’elle leur doit.

Alain Bodivit, Joël Lazennec et André Robeson, les trois grands témoins, accompagnés par François Fouré (animateur de Mémoire et espoirs de la Résistance)

« … Ils n’étaient pas nés pour être des héros ou des martyrs. Mais si c’est être un héros que de se lever quand il faudrait rester couché, de se révolter contre la force brutale, de refuser l’humiliation et d’entrer dans l’arène, les mains nues face aux fauves, alors ils ont mérité ce titre. Mais si c’est être un martyr que de savoir souffrir et mourir pour que d’autres connaissent la joie de la liberté, alors ils ont mérité ce titre… »

Le chant des Partisans en guise d’hommage

A travers le témoignage de Joël Lazennec, d’Alain Bodivit et d’André Robeson, ce sont toutes ces femmes et ces hommes, souvent jeunes, voire à peine sortis de l’enfance, qu’il importe en effet de célébrer et de remercier à cette occasion. Le Chant des Partisans, hymne de ralliement de la Résistance, entonné par une poignée de volontaires, souligne la solennité du moment.

Chant des Partisans entonné par les élèves
Au premier plan (de gauche à droite) : Justine, Gwendolyne, Titouan, Kilian, Camille et Elio rendent hommage aux Résistants en entonnant, à leur intention, l’hymne de la Résistance.
A l’arrière-plan : Michel Aymerich (Proviseur), Alain Méléard (président du comité départemental du prix du CNRD), Alain Bodivit, Joël Lazennec, André Robeson, les trois Résistants, et François Fouré (animateur de Mémoire et espoirs de la Résistance).

Un des 11 hommes du cuirassé le Paris à avoir rallié de Gaulle

Tour à tour chacun des invités raconte son histoire personnelle qui s’inscrit, depuis plus de 70 ans, dans l’Histoire de France. Joël Lazennec, le premier, qui s’engage dès juin 1940 aux cotés du général de Gaulle pour que« le pavillon français continue de battre sur toutes les mers du monde » et ne soit pas souillé par l’infamie de la capitulation et de la collaboration. Ralliant l’Angleterre au moment de la débâcle, à bord du cuirassé le Paris, il fait partie des onze hommes d’équipage sur plus de 3000 à répondre favorablement à l’Appel de l’Homme du 18 juin. Guidé par l’insouciance de ses 21 ans et par son inébranlable foi dans la capacité de la France à gagner la guerre, il n’a de cesse de se battre pour la Victoire. « Nous avions l’ambition et la certitude de gagner ».

Le Commandant Lazennec, héros de la Bataille de l’Atlantique

Alors qu’il est rattaché à la marine marchande britannique, il participe à la bataille de l’Atlantique à bord du cargo le Saint-Bertrand.« On ne mesure pas assez à quel point le ravitaillement de l’Angleterre était décisif pour que le conflit bascule en faveur des Alliés. Sans les convois de l’Atlantique, le débarquement en Normandie n’aurait pu se produire. Il fallait acheminer des produits alimentaires, du matériel, des explosifs,… des États-Unis vers l’Europe ». Il fallait surtout déjouer les torpilles des U-Boote allemands. « Bien sûr que j’avais peur, d’autant que les sous-marins étaient dissimulés et que dans nos convois certains bateaux étaient touchés. Ainsi nous n’avons pu sauver aucun homme d’un pétrolier en feu. »

Le réseau Turma-Vengeance à l’honneur

Les deux autres invités, quant à eux, sont membres de la Résistance intérieure. Alain Bodivit rejoint en effet les rangs du réseau Turma-Vengeance en janvier 1943 à l’âge de 17 ans, dans la région de Pleuven. Approché par un copain lors d’un match de football, il intègre une équipe de dix jeunes hommes, sans jamais prendre conscience de l’organigramme du groupe auquel il appartient. « C’était très cloisonné, ce qui permettait d’assurer la sécurité de chacun. Parce que si l’un des membres était pris, il était torturé, dans le meilleur des cas fusillé, et bien souvent il parlait et « trahissait » tout le réseau. » Au sein de son réseau spécialisé dans le renseignement, il participe au sabotage de lignes téléphoniques mais aussi à des représailles contre les collabos. Intégrant les Forces françaises de l’Intérieur (FFI) après le débarquement, il répond au signal de l’insurrection généralisée de la Bretagne, suite au message codé de la BBC « Le chapeau de Napoléon est-il toujours à Perros-Guirec ? » et prend les armes pour participer aux combats de la Libération, à Quimper, à Fouesnant ou à Cléden-Cap Sizun.

Victime de la Déportation

Si l’expérience d’André Robeson présente quelques similitudes avec celle d’Alain Bodivit (résistance intérieure au réseau Vengeance, participation à de nombreux sabotages), elle diffère aussi par son dénouement. Alors que l’insurrection de Paris vient de se produire, il est chargé, avec 160 hommes du réseau Hildevert du 1er Régiment de Paris, de préparer un terrain d’atterrissage pour des parachutistes canadiens. Ceux-ci ont pour mission d’empêcher l’arrivée de renforts allemands. Mais l’opération tourne au fiasco, lorsque le groupe se trouve confronté à la tristement célèbre division Das Reich (la responsable du massacre d’Oradour-sur-Glane) et André se retrouve au peloton d’exécution.« C’est bien évidemment l’image qui m’a le plus marqué ». Voyant sa dernière heure arrivée, il ne doit la vie sauve qu’à un officier allemand, blessé dans les combats mais soigné par son groupe. Suivent cependant de longs mois de déportation dans le Nord de l’Allemagne (déplacé de camps en camps, à Stargard, Stalag IID, ou à Greifswald, Stalag IIC notamment). L’avancée des soldats de l’Armée rouge lui permet de recouvrer une certaine liberté mais l’entraîne à parcourir l’Europe de l’Est, en train, en camions et le plus souvent à pied. S’approchant d’Odessa, il pense la libération proche, cependant des désaccords entre les Trois Grands à Yalta (Roosevelt, Churchill et Staline) le renvoient sur les routes d’Ukraine et de Pologne. « Je ne suis rentré qu’en juin 1945. »

Un message à destination de la jeunesse

Interrogés par les élèves sur la manière dont ils ont vécu la Libération et sur leurs souvenirs les plus marquants, les trois Résistants se posent en passeurs de mémoire et donnent une véritable leçon de civisme à leur auditoire. Sans s’ériger en modèles, ils tentent d’éveiller la conscience citoyenne de leurs jeunes interlocuteurs. Le Commandant Lazennec en tête « Si j’ai agi ainsi, c’est parce que j’avais un idéal et une ambition. Ayez tous un idéal et une ambition ! »

Citant Antoine de Saint-Exupéry, Alain Bodivit explique aussi pourquoi il ne se considère pas comme un héros. « La guerre n’est pas une aventure. La guerre est une maladie. Comme le typhus… ». Et surtout, il estime que « quand on n’a pas tout fait, on n’a rien fait. » En 1944, il ne participe pas à la liesse générale lors de la Libération, tant il continue à être habité par une certaine amertume, contre les Résistants de la dernière heure mais aussi, plus encore sans doute, du fait d’un « sentiment de culpabilité à l’égard de ceux qui ont été dénoncés, parce que l’on a été imprudents. Par notre faute, des femmes ont été déportées à Ravensbrück. Je garde aussi un fond de tristesse pour ceux qui sont partis.  »

Élèves entourant les Résistants

Même si Alain Bodivit se refuse à endosser ce rôle, pour les élèves ces Résistants sont de véritables héros qu’ils ont envie de saluer en leur serrant la main, ou de photographier. Certains demandent aussi à poser à leurs côtés sur les clichés pris par leurs camarades ou leurs professeurs.

Serrer la main des héros : la conclusion souhaitée par les élèves impressionnés - et souvent émus - par l’histoire des Résistants.